"La gypserie, c’est l’art de récréer les volumes des corniches d’antan, sur place, sans moule. A l’inverse du staff, qui est réalisé en atelier", indique Teidy Guerinoni, artisan sacré Meilleur ouvrier de France en gypserie en 2015.
Dégât des eaux, passage du temps… "dans ces cas-là, souvent, on casse tout, et on pose une plaque de plâtre. C’est ainsi que le patrimoine disparaît", relève-t-il, regrettant que les assureurs ne disposent pas d’un réseau d’artisans à même de rénover fidèlement les plus belles pièces du patrimoine.
Teidy Guerinoni, "artisan et pas artiste"
Bel et bien plâtrier, et non artiste ou sculpteur, Teidy Guerinoni clame : "Les gens me disent parfois que je suis un artiste. Pas du tout. J’ai eu la chance d’apprendre un savoir-faire. Je n’ai rien inventé, juste appris." Appris parmi les meilleurs, grâce à sa formation en alternance auprès des Compagnons, qui l’a amené à changer d’entreprise tous les ans pendant sept ans, le menant jusqu’en Australie.
"Là-bas, c’est totalement différent. Ce n’est pas là que c’est historiquement le plus intéressant, mais la vision du travail y est différente et c’est enrichissant", confie celui qui, plus jeune, s’imaginait architecte.
Jusqu’au jour où, à 15 ans à peine, il est tombé sous le charme du plâtre, via un ami de la famille qui construisait sa propre maison. "J’ai vu tout le potentiel de ce métier, et je l’ai exploité pendant le Tour de France". Depuis 2012, c’est en tant que chef d’entreprise qu’il continue d’oeuvrer et de découvrir des maisons "qui ont toutes un passé, une histoire". En ce moment, il travaille sur un projet autour d’une ornementation sur du mobilier. Il s’agirait pour lui, si le chantier se concrétise, de rénover à l’identique les plâtres de guirlandes sur une table.
Teidy Guerinoni travaille sur des créations d’architectes, ou encore de décorateurs, au même titre qu’en rénovation. Il prend l’exemple du dessous des escaliers, qui peuvent être habillés de plâtre, par des décorateurs audacieux. "Il y a beaucoup de plâtrier au sens propre, de staffeurs, mais on est peu à réaliser des gypses et à travailler sur la rénovation du patrimoine, à prioriser la fidélité à la pièce. Je réalise beaucoup d’enduits à l’ancienne."
Un matériau noble dont il est difficile de s’approvisionner, qui n’a aucunement besoin d’être peint, puisqu’il propose des textures et couleurs différentes qu’il aime travailler sur "des chantiers qui ont du caractère". Comme lui.
Transmettre un savoir-faire, oui, mais "quand ce sera le moment"
Le quadragénaire qui "a des cheveux blancs et trois enfants", comme il se plaît à se décrire en riant, a aussi la particularité d’un caractère bien trempé. "Moi, faire du basique, du neuf, ça ne m’intéresse pas. Je suis un artisan au sens pur du terme, confie-t-il. J’ai besoin de me faire plaisir. Bien sûr l’entreprise doit être pérenne, mais il me faut des projets intéressants".
Quant au statut d’entrepreneur, il soulève une problématique qu’il constate dans le bâtiment : "Il y a de moins en moins d’artisans, de plus en plus de chefs d’entreprise. Des personnes qui vendent un prix. Moi je privilégie les échanges avec les clients", confie-t-il, toutefois conscient du fait que "aujourd’hui, c’est un produit de luxe, car il faut beaucoup de temps. Cela revient plus cher qu’une plaque de plâtre".
Avec les nouvelles lois visant à augmenter la performance énergétique des bâtiments, Teidy Guerinoni espère être amené à rénover davantage de logements dans lesquels apporter une meilleure isolation, "tout en recréant le charme de l’époque, le cachet".
Pour faire perdurer son savoir-faire, l’artisan souhaiterait former des apprentis, mais "plus tard, quand ce sera le moment". Pour l’instant, il contribue à la formation des jeunes, en corrigeant notamment les maquettes des épreuves des Meilleurs ouvriers de France. Deux années durant, il a été formateur en Alsace.