5 milliards d'euros, c'est le budget qui sera consacré au dispositif MaPrimeRénov à partir du 1er janvier 2024. Soit une enveloppe supplémentaire de 1,6 milliard d'euros annoncée par le gouvernement la semaine dernière.
"Cet effort sans précédent de l’Etat doit permettre d’accélérer la dynamique de rénovations, notamment de rénovations globales, explique le ministère de la Transition écologique. Leur nombre devra atteindre 200 000 dès 2024 si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques d’ici 2030."
MaPrimeRénov : FFB et Capeb circonspects
Dans le détail, ce budget revu à la hausse permettra notamment de financer un renforcement très significatif des aides aux rénovations globales : "Jusqu’à 70 000 euros de travaux pourront être pris en compte pour les rénovations les plus performantes et le taux de prise en charge pourra atteindre 90 % pour les ménages aux revenus très modestes qui rénovent une passoire énergétique."
Cette annonce n'a pas manqué de faire réagir les organisations sur secteur, à commencer par la FFB. "Nous sommes bien entendu favorable au développement de la rénovation globale, mais pas au détriment de travaux individuels qui représentent 90 % des travaux soutenus par MaPrimeRénov’, regrette la Fédération. Pourquoi casser ce qui marche ? Pourquoi exclure des aides un ménage qui souhaite simplement isoler ses parois ?"
Même son de cloche à la Capeb qui dénonce, elle, une mesure qui va profiter d'abord aux gros groupes.
Du côté des professionnels, le ton est, lui, plus nuancé. "La volonté de favoriser les rénovations globales et d’arrêter les mono-gestes est un élément très favorable, indique Virginie Blaison, directrice générale de la société Metiitsa, spécialisée dans la rénovation de l'habitat. Une rénovation thermique doit se réfléchir dans sa globalité. Lorsque l’on fait étape par étape, cela créer obligatoirement des désordres pour l’étape suivante."
Ainsi, pour Virginie Blaison, le renforcement des aides va permettre à des ménages plus modestes d’accéder à ces rénovations performantes alors qu’aujourd’hui ils se rabattent vers "le geste de travaux le plus aidé, qui était dernièrement le système de chauffage."
Réforme de MaPrimeRénov : les grosses structures privilégiées ?
Bémol cependant pour Virginie Blaison, le nouveau dispositif MaPrimeRénov devrait attirer bon nombre de professionnels, pas toujours bien intentionnés, sur le marché de la réno globale.
"On peut se demander quel seront les moyens de contrôles mis en œuvre pour vérifier le travail. Il est évident que des entreprises peu scrupuleuses vont rentrer dans la brèche. Je suis aussi inquiète face à des groupes types Effy, ou autre comme les banques ou Leroy Merlin, qui n'ont aucune expérience et aucun savoir-faire."
Une crainte partagée par Julien Feasson, de Femat solution, mandataire MaPrimeRénov. "A qui va profiter cette globalisation des travaux de rénovation ? Aux gros ensembliers, comme Hellio et Effy, qui sont capables d'accompagner sur toute la durée du projet. Et le petit artisan, lui, va redevenir un sous-traitant de ces groupes-là. Ce qui, pour moi, est vraiment dommage. On va le rendre dépendant de ces méga-entreprises."
"Aujourd'hui, l'écosystème n'est pas prêt au tout rénovation globale"
Pourtant, le directeur général de Femat solutions voyait, lui aussi d'un bon œil cette volonté de privilégier la rénovation globale. "C'est plus dans le phasage et dans la manière dont cela est présenté que je m'interroge, indique Julien Feasson. Aujourd'hui, l'écosystème n'est pas prêt, notamment les artisans qui ont, encore, du mal à travailler ensemble, à coordonner les projets."
Même réserve quant à la reprise par l'Anah des dossiers CEE. "C'est un gros tremblement de terre pour le secteur. Ça va amener beaucoup de délégataires CEE sur le marché de MaPrimeRénov', puisqu'ils n'auront pas d'autres choix s'ils veulent survivre."
Mon accompagnateur rénov', qui, quoi, comment ?
Le dispositif MaPrimeRénov version 2024 devrait aussi permettre la généralisation de "Mon accompagnateur rénov". "Les ménages engageant une rénovation d’ampleur seront systématiquement accompagnés par ce tiers de confiance indépendant et agrée par l’Etat, indique le ministère. Il apportera un appui précieux dans les démarches techniques, administratives et financières permettant d’obtenir les aides et de réaliser les travaux."
Là encore, si l'idée semble bonne sur le papier, reste à savoir comment elle sera mise en œuvre. "Cela va éliminer certains escrocs que l’on rencontre sur les chantiers, indique Virginie Blaison, de Metiista. Mais est-ce que ces accompagnateurs seront suffisamment nombreux et bien formés ? Est-ce qu'ils ne se feront pas graisser la patte par des gros groupes peu scrupuleux, faisant appel à de la main d’œuvre détachée ou ne connaissant pas les règles en vigueurs ?"
Même scepticisme pour Julien Feasson de Femat solutions. "Il y a encore beaucoup de questions en suspens sur ce sujet des accompagnateurs. Leur périmètre a évolué au moins trois ou quatre fois sur la dernière année et aujourd'hui encore, on ne sait pas quel sera leur rôle."
Rénovation globale : ralentissement à prévoir début 2024 ?
Autant de sujets d'inquiétudes qui font craindre "un gros ralentissement de l'activité", selon le mandataire MaPrimeRénov. "Pour moi, tous les acteurs du secteur vont se mettre en position d'attente et il ne va rien se passer au niveau de la rénovation globale pendant tous le premier trimestre 2024. Ce qui ne va pas être simple pour beaucoup d'acteurs, qui sont en tension de trésorerie depuis un moment. Mais le flou est tellement important qu'on devra forcément faire avec une période de latence."