A Leyrieu en Isère, fondée en 1934, l'entreprise artisanale "métier d'art" Moyne Tradition perpétue l'art des lauziers de l'Isle-Cremieu. Positionnée dans les domaines de la charpente, la couverture, la zinguerie et la construction en ossature bois, c’est une demande spécifique formulée par le maire de Leyrieu qui a fait basculer l’entreprise dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine.
"En 2011, la municipalité m’a sollicité pour la restauration de la toiture de lauzes du four banal, explique Jean-Philippe Moyne, qui représente la troisième génération aux commandes de l’entreprise. Une nouvelle activité peu répandue et exigeante à laquelle j’ai dû me former auprès d’un ancien artisan à la retraite."
Moyne tradition fait le choix du réemploi plutôt que l’extraction de la lauze
Aujourd'hui, cette activité représente entre 40 et 60 % de l'activité globale de Moyne Tradition. Pour pallier la difficulté à s’approvisionner en lauzes, Moyne Tradition a recours au réemploi.
"Nous récupérons la lauze auprès de propriétaires souhaitant refaire leur toiture, explique Azucena Hernandez, présidente de Moyne Tradition. Nous sondons les lauzes déposées pour s’assurer qu’elles ne sont pas gélives, c’est-à-dire fêlées à l’intérieur, grâce au son qu’elles émettent. Si de l’eau s’infiltre et qu’elle gèle, la lauze risque d’éclater. Ensuite, nous brossons les lauzes pour les nettoyer et enfin nous les repalettisons en fonction de leur dimension. Quant aux lauzes défectueuses, elles seront recalibrées et serviront de cales, puisqu’une lauze recouvre aux deux-tiers la précédente et entre chacune d’entre elles, sont posées des cales de lauze. Elles sont posées en tas de charge."
Pierre de calcaire, la lauze peut être également extraite de la carrière d’Annoisin-Chatelans, en détachant un bloc grâce à de la poudre noire. Une fois au sol, le bloc est délité au marteau et au burin et chaque couche est ensuite taillée pour donner la forme a la lauze qui varie en fonction de la pente de la toiture. Un travail minutieux et très énergivore, à l’instar de la pose d’une toiture de lauzes : un couvreur chevronné pose en moyenne entre trois à cinq mètres carrés de lauzes par jour.
"Le seul chantier réalisé en lauzes neuves est celui du lavoir d’Optevoz en 2015, précise Jean-Philippe Moyne. Une extraction est prévue en 2024 car nous viendrons bientôt à manquer de lauzes de réemploi".
L’entreprise intervient principalement auprès des communes, via des marchés publics, pour la réfection des toitures de monuments historiques. Particuliers et architectes ont également recours à ses services pour la rénovation de toiture ou la dépose de lauzes.
Série de l'été : ces savoir-faire qui perdurent
Episode 1 : Dans l'univers onirique des créations en fuste de Michael Grezes
Episode 2 : Teidy Guerinoni, l'artisan plâtrier Meilleur ouvrier de France
Episode 3 : Eric Prudent, défenseur de la jalousie à la lyonnaise
Episode 4 : Flavie Béréziat et David Avenet, magiciens de la lumière et du verre
La lauze, un matériau naturel plus onéreux
Matériau brut qui ne subit aucune transformation, la lauze affiche zéro émission de carbone car contrairement à la tuile en terre cuite, elle ne nécessite aucun passage dans un four.
En revanche, à cause d'une manutention plus importante, la réfection d’une toiture en lauzes est "environ 80 % plus onéreuse qu’une toiture en tuiles mais ce delta peut être comblé par des subventions et un crédit d’impôt, après l’obtention d’un label auprès de la Fondation du patrimoine. Par ailleurs, la durée de vie de la lauze est de plus de 200 ans contre 80 ans pour la tuile", souligne Azucena Hernandez.
En vue de développer son activité et répondre plus facilement aux appels d’offres concernant les rénovations d’édifices classés Monument historique, Moyne Tradition a engagé une démarche pour obtenir le label Entreprise du patrimoine vivant.
La quatrième génération travaille d’ores et déjà dans l’entreprise, en la personne de Victor Moyne. Il envisage de prendre la suite, et le fils d’Azucena Hernandez se charge de développer une nouvelle activité : la conception et la construction de tiny houses en bois et matériaux naturels.
Jean-Philippe Moyne, impliqué dans la transmission
La transmission des savoir-faire est primordiale pour Jean-Philippe Moyne dont les sept salariés de l’entreprise sont âgés de moins de 30 ans. L’entreprise est en relation avec la Mission locale et Pôle emploi pour aider les jeunes, et apporter sa pierre à l’édifice en termes d’inclusion. Il a également participé à la création du Certificat de qualification professionnel (CQP) pour le métier de lauzier, qui a été mis en place à Mende par l’association Lauzier couvreur (ALC) avec la Chambre des métiers de Lozère. Il est formateur pour ce CQP.