"L'innovation est dans notre ADN depuis toujours." Difficile de donner tort à Laury Barnes-Davin, directrice scientifique chez Vicat. C'est en effet Louis Vicat, fondateur du groupe éponyme, qui est considéré comme l'inventeur du ciment artificiel.
Une vraie révolution dans le monde de la construction que le groupe industriel de l'Isle-d'Abeau (Isère) s'efforce de prolonger, plus de deux siècles plus tard. Impression 3D, liant puits de carbone Carat… Ces dernières années, Vicat n'a cessé de faire parler de lui en proposant des produits moins carbonés.
Vicat : objectif de neutralité carbone sur la chaîne de valeur d'ici 2050
C'est à L'Isle-d'Abeau que se trouve le cœur d'un réacteur innovation de Vicat. "Nous sommes basés au centre technique Louis Vicat, indique Laury Barnes-Davin, directrice du pôle R&D. Il regroupe 90 ingénieurs, chercheur et techniciens, au sein de labos dédiés au ciment, au béton et produits de second œuvre."
Ici, on travaille pour coller aux demandes du marché, mais surtout, pour décarboner l'offre produits et répondre à l'objectif de neutralité carbone sur la chaîne de valeur d'ici 2050. "Pour ça, on essaie d'être en veille sur toutes les nouveautés technologiques qui émergent dans notre secteur."
Pour remplacer le clinker, Vicat mise sur des argiles activées
Dernier exemple en date, les études menées sur un ciment où une part du clinker est substitué par des argiles activées thermiquement, qui sera commercialisé en 2024 dans l'Hexagone. "C'est une tendance technologie qu'on a repéré dans les années 2010. Ça a démarré par de la bibliographie, puis un travail de laboratoire, à la paillasse, avant un passage par une unité pilote."
Le projet a ensuite été confié à l'équipe de Marie Godard-Pithon, directrice du service performances et investissement, deuxième jambe du centre Louis-Vicat. "Nous, notre mission a été de réfléchir à une industrialisation à grande échelle, qui va démarrer dans notre usine de Xeuilley dans quelques mois."
En effet, à côté du pôle R&D, le centre Louis Vicat accueille également une équipe qui, elle, planche sur les innovations de process. "Nous nous intéressons surtout aux innovations technologiques de l'outil de production", indique Marie Godard-Pithon.
"Opérer des transformations profondes" chez Vicat
C'est cette équipe qui phosphore actuellement sur la capture du CO2 émis lors de la fabrication du ciment. "On expérimente cette capture à l'aide de micro-algues sur notre site de Montalieu. Un domaine qui nous était totalement inconnu il y a encore peu de temps, ce qui explique le besoin de travailler avec des collaborateurs externes", explique Marie Godard-Pithon.
"La décarbonation guide tous nos travaux"
Si le spectre de la R&D à la sauce Vicat est large, tout est toujours mené sous le sceau de la décarbonation. "Ça fait plus de dix ans qu'elle guide tous nos travaux", concède Laury Barnes-Davin, directrice scientifique chez Vicat. "C'est une des premiers indicateurs que l'on regarde lorsque l'on démarre un projet, abonde Marie Godard-Pithon. A chaque fois, on s'inscrit sur du long terme. L'idée n'est pas de faire un coup d'éclat avec un produit miracle mais plutôt d'opérer des transformations profondes."
Une façon d'écarter l'image conservatrice qui colle à l'industrie cimentière. "On accueille avec grand plaisir tous ceux qui souhaitent voir les efforts que l'on fait pour décarboner la construction. Mais c'est vrai que l'on ne peut pas changer notre gamme de béton tous les six mois. Ce qui donne parfois cette fausse impression d'inertie."
"Les clients ont parfois du mal à s'engager sur des produits bas carbone"
D'ailleurs, Marie Godard-Pithon et Laury Barnes-Davin l'affirment, le board de Vicat a également fait de la décarbonation une priorité. "Ils nous challengent régulièrement pour que l'on innove dans ce sens. Le problème, c'est souvent la suite puisque les clients ont parfois du mal à s'engager sur des produits bas carbone."
Un conservatisme de la profession qui s'explique facilement selon Laury Barnes-Davin. "Un produit a plus de chance d'être adopté par le marché s'il ne perturbe pas les manières de construire." Innover oui, chambouler, non.
La R&D, un mouvement perpétuel
Impression 3D, nouveau liant Carat… Ces dernières années, Vicat a beaucoup communiqué sur ses innovations. Et ça n'est qu'un début puisque les travaux menés au sein du centre Louis-Vicat sont nombreux. "Même si on ne peut pas tout dire, on travaille actuellement sur la fonctionnalisation du béton. Que ça soit avec l'isolation, à travers les mousses cimentaires, ou le biosourcé…", précise Laury Barnes-Davin.
Les équipes de Marie Godard-Pithon planchent, elles, sur la réduction de l'empreinte carbone des process. "La substitution des combustibles, l'efficacité énergétique de nos process et la cogénération… Et bien sûr la capture du CO2, par la photosynthèse, la minéralisation, la cryogénie…"