La ferronnerie d'art a quelque chose de captivant pour les profanes. Voir le professionnel travailler patiemment le métal, lui faire prendre la forme voulue après l'avoir longuement chauffé…
Tout un savoir-faire presque mystique, qui force le respect. Alors, lorsque Gilles Tavernier raconte son quotidien de ferronnier d'art, difficile de ne pas l'écouter, presque religieusement. L'homme est un passionné et sait laisser transpirer cette passion à travers ses paroles et ses actes.
Gilles Tavernier, un ferronnier d'art "romantique"
Né à Lyon, dans une famille nombreuse, Gilles Tavernier a cultivé son goût du travail manuel dès le plus jeune âge. "J'ai toujours été sensible au romantisme que pouvait renvoyer le patrimoine bâti. Les anciens nous parlent à travers les murs, et j'ai voulu les écouter et les comprendre." Alors, curieux de nature, il s'intéresse très vite au travail du métal. "J'ai expérimenté la forge dès 14 ans. A l'époque, je m'amusais à fabriquer des cadeaux en fer pour mon entourage."
Rapidement, la passion prend forme et Gilles Tavernier opte pour l'école de la Giraudière à Lyon, pour se forger un savoir-faire. Au cours de sa formation, il acquiert des compétences en chaudronnerie, métallerie, soudure, dessin ou encore gestion.
"Cette variété m'a tout de suite beaucoup plu. Avec la ferronnerie d'art, j'ai pu exploiter mon côté touche à tout", indique celui qui a également exprimé son goût de la diversité à travers le décathlon, discipline qu'il a longtemps exercée au niveau national avant de tout laisser tomber - "la compétition m'angoissait trop pour que je puisse continuer".
C'est en tant que salarié de l'Atelier Orgiazzi, à Lyon, que Gilles Tavernier fait ensuite ses premières armes. "Là-bas, j'ai pu travailler sur de véritables chefs-d’œuvre. Mais on ne faisait que du haut de gamme, du "m'as-tu-vu". Pour moi, ça manquait de romantisme. Alors, au bout d'un moment, j'ai voulu partir pour devenir mon propre patron." En 1998, il se lance et créé l'Atelier Gilles Tavernier, à Cailloux-sur-Fontaines. "Ça m'a permis d'être libre."
Série de l'été : ces savoir-faire qui perdurent
Episode 1 : Dans l'univers onirique des créations en fuste de Michael Grezes
Episode 2 : Teidy Guerinoni, l'artisan plâtrier Meilleur ouvrier de France
Episode 3 : Eric Prudent, défenseur de la jalousie à la lyonnaise
Episode 4 : Flavie Béréziat et David Avenet, magiciens de la lumière et du verre
Episode 5 : Jean-Philippe Moyne, la transmission de la lauze
"Donner une âme à ce que je fais"
Depuis, il multiplie les projets, en France et à l'étranger, avec toujours la même passion et le même respect du savoir-faire. D'ailleurs, pénétrer dans l'atelier de Gilles Tavernier, c'est d'abord faire un bond dans le passé.
Entre la forge centenaire, les enclumes et les marteaux presque ancestraux, ici tout rappelle le travail des anciens. Enfin presque tout. "J'utilise quand même quelques outils plus modernes, comme mon marteau pilon électrique", explique le ferronnier de Cailloux-sur-Fontaines qui, pour ses plans et maquettes, dessine tout à la main. "Le numérique, ça n'est pas pour moi."
Une façon de faire qui lui permet aujourd'hui de proposer des rampes d’escaliers en fer forgé, des grilles de portail, des vérandas ou encore des accessoires de décoration… "Ça peut être de la création comme de la restauration de l'existant." A chaque fois, il échange, conseille, conçoit et dessine des pièces qu'il revendique comme unique. "J'essaie de donner une âme à ce que je fais."
Pourtant, Gilles Tavernier ne se voit pas comme un artiste. "Un artiste n'est pas dépendant d'un client puisqu'il crée d'abord et vend ensuite. Moi je réponds à des demandes." Parmi ses réalisations les plus remarquables, Gilles Tavernier liste la véranda de la boulangerie Jocteur à Lyon, une rampe d'escalier pour un riche Letton mais aussi une croix catholique, restaurée il y a quelques mois.
"L'aspect spirituel est souvent très important dans mon travail. Tout comme le respect de la matière. Il faut savoir l'écouter." S'il ne manque pas de travail, Gilles Tavernier regrette quand même l'uniformisation des demandes qui pourrait selon lui, aboutir à la mort de la profession. "C'est pour ça aussi qu'il est indispensable pour moi de transmettre ce que je sais et ce que je fais."
Gilles Tavernier, formateur de jeunes talents
Si, depuis quelques mois, Gilles Tavernier travaille seul dans son atelier, il forme régulièrement des apprentis. "C'est important pour moi." Parmi les principaux messages qu'il essaie de faire passer aux futurs ferronniers d'art, il y a celui-ci : "Il faut observer pour comprendre la matière. Moi je suis là pour transmettre un savoir-faire, pas pour leur mâcher le boulot. C'est à eux de développer leur propre méthode."