Flavie Béréziat et David Avenet sont vitraillistes à Châtillon-sur-Chalaronne (Ain). Ils créent et restaurent des vitraux, au cœur de la cité médiévale, labellisée "Ville et métiers d’art". Associés au sein de l’atelier L’Art du Vitrail, ils font partie du collectif Artis, regroupant des artisans d’art professionnels de la ville et ses environs.
Ce métier, Flavie Béréziat le pratique depuis une vingtaine d’années. "J’étais attirée par un métier manuel et suis tombée un peu par hasard devant cet atelier, ici, à Châtillon. J’ai rencontré le gérant, son métier m’a interpelée. J’ai alors passé le CAP en alternance, suivant les cours au Cerfav (Centre européen de recherches et de formation aux arts verriers, Ndlr) à Vannes-le-Châtel. C’est une école magnifique, une mine de trésors." En 2011, elle décroche même le titre prestigieux de Meilleur ouvrier de France.
Flavie Béréziat et David Avenet, à la fois artistes et techniciens
Mais sa formation est loin d’être terminée : elle entame ensuite un "mini" tour de France chez plusieurs maîtres verriers. Revenue dans sa région natale aindinoise, elle apprend alors que la vitrailliste de Châtillon-sur-Chalaronne, Gwenaëlle Leguen, cède son atelier. "C’était une opportunité pour moi, je me suis lancée", se souvient l’artisane.
Flavie Béréziat s’installe ainsi 2016. Elle est rejointe, en 2019, par David Avenet. "Nous sommes tantôt maçons, tantôt tailleurs de pierre, ou menuisiers quand il s’agit de réfections. La restauration représente plus de la moitié de notre chiffre d’affaires", explique-t-il.
L’atelier, ouvert en 1994, est régulièrement sollicité par les architectes des monuments historiques. À la fois artiste et technicien maniant le plomb et le verre coloré, le vitrailliste sait jouer sur la transparence du verre et la luminosité apportée par l’environnement ambiant. Il utilise des techniques artisanales et traditionnelles.
Lorsqu’il s’agit de création, les étapes sont nombreuses et demandent patience et rigueur. Il faut tout d’abord concevoir une maquette qui sera ensuite agrandie sur carton aux dimensions réelles. L’artisan pose un calque sur le carton pour y reporter les lignes qui figurent les futurs plombs. Elles sont ensuite reportées, cette fois, sur un papier très épais : c’est ce qu’on appelle le tracé. Cette sorte de puzzle voit chacune de ses pièces – que l’on appelle calibres – numérotée, puis découpée pour être reportée sur le calque qui sert alors de modèle.
Série de l'été : ces savoir-faire qui perdurent
Episode 1 : Dans l'univers onirique des créations en fuste de Michael Grezes
Episode 2 : Teidy Guerinoni, l'artisan plâtrier Meilleur ouvrier de France
Episode 3 : Eric Prudent, défenseur de la jalousie à la lyonnaise
"Rien n’a changé depuis le Moyen Âge" dans le métier de vitrailliste
Ces calibres sont ensuite regroupés par couleur et disposés stratégiquement en bandes sur des feuilles de verre. Elles y seront ensuite découpées avec une pointe de tungstène. Pour les tracés exigeants ou extrêmement délicats et précis, l’artisan utilise un petit marteau ainsi qu’une pince plate pour affiner au plus près la découpe. Les pièces sont enfin serties de plomb et assemblées. "Cette dernière étape demande une certaine minutie et une grande concentration pour arriver à un résultat optimal", soulignent les deux artisans d’art.
"Rien n’a changé depuis le Moyen Âge, rebondit Flavie Béréziat. Nous sertissons toujours au plomb, matériau hautement malléable. Mais une initiative européenne vise à l’interdire sous toutes ses formes pour des raisons de santé. On ne sait pas trop comment tout va se terminer."
La profession, qui regroupe 450 ateliers en France et quelques milliers d’emplois, craint les conséquences d’une telle décision. Si aucune dérogation n’est délivrée, "cela coûterait 200 000 à 400 000 euros pour la mise aux normes. Et les conditions de travail seraient totalement inadaptées avec l’utilisation d’une espèce de scaphandrier". Dans ce contexte, Flavie Béréziat et David Avenet redoutent "la mort de la majorité des ateliers d’artisans".
Avec des conséquences bien au-delà des frontières du pays. "La France est le berceau de plus de 50 % du vitrail mondial", témoigne le syndicat vitrailliste français. En attendant, les deux artisans d’art poursuivent leur travail et ouvrent régulièrement les portes de leur atelier pour partager leur passion.