Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, rien n'arrête Michael Grezes qui a trouvé à Saint-Franc, dans le parc naturel régional de Chartreuse, son petit coin de paradis. L'endroit recèle tous les ingrédients propices à son activité : une zone plate, aérée et tranquille, où il ne fait pas trop chaud, où il ne neige pas en abondance, où règne l'entraide. Inspirant, en somme, avec une vue à couper le souffle. Michael Grezes, c'est un peu le dernier des Mohicans. Il fait partie des rares fustiers encore en activité.
"C'est une niche, ça se tarit. Il n'y a pas de marché. Ceux qui restent, ce sont des puristes", glisse-t-il depuis sa chaise en fuste plantée au pied d'un arbre en lisière de son atelier en plein air, jonché de troncs d'arbres.
Sous les mains de l'artisan, naissent tables, balançoires, bancs, marches d'escalier, terrasses, balustrades, bardages, cabines de douche, toilettes sèches... Des aménagements intérieurs ou extérieurs en rondins de bois pour des clients "amoureux du bois, qui prennent le temps, ont les moyens et veulent quelque chose d'abouti". Michael Grezes construit aussi des maisons en rondins empilés, des fustes pour lesquelles il choisit les arbres sur pied.
Construire une fuste était un peu un rêve de gosse. Petit, Michael Grezes dessinait des maisons en rondins saupoudrées de neige. La vie l'a d'abord emmené vers une carrière scientifique.
Ce fils d'instituteur, originaire de Haute-Loire, issu d'une famille de paysans et attaché au terroir, a passé dix ans dans l'industrie des énergies renouvelables – l'éolien d'abord, le photovoltaïque ensuite –, après des études de technicien mesures physiques et d'ingénieur environnement. La lassitude le gagnant, il lâche tout du jour au lendemain. C'était en janvier 2010.
Pour Michael Grezes, la recherche d'une connexion à la terre
Il se forme à l'éco-construction et à la construction passive et s'exile dans les Hautes-Alpes, dans le Queyras. "Je cherchais un terrain au-dessus de 1 500 mètres, de la neige et du soleil pour profiter des activités de pleine nature."
En bas de Molines-en-Queyras, il se fait livrer 60 m3 de mélèze par l'Office national des forêts, dont il écorce les troncs pendant un an pour se reconnecter à la terre. Il délaisse l'idée de construire un domespace suivant la course du soleil au profit d'une fuste passive.
Pour y parvenir, il suit une formation d'une semaine en Haute-Loire et épluche les livres techniques de Thierry Houdart. Son projet prend forme mais il n'a pas le temps de le terminer : sa première cliente le conduit à Pont-de-Beauvoisin, en Savoie, pour la conception d'une fuste bioclimatique de 60 m2 en auto-construction. Il ne quittera plus le département.
L'environnement demeure un critère central pour l'artisan qui travaille en plein air la plupart du temps, ou à l'abri sous deux serres si la météo se révèle vraiment capricieuse. Pour exercer son métier, il n'a besoin que de très peu de matériel. "Je fais tout à la main." Ses bois de prédilection, imputrescibles, proviennent des Hautes-Alpes pour le mélèze, de Saint-Beron (Chartreuse) pour le chêne, le châtaignier et l'acacia, et du nord du Rhône pour le douglas. Toujours en quête de circuit court.
Les créations de Michael Grezes exposées
C'est dans ce même esprit qu'il expose ses créations dans l'auberge d'à côté, au lac de la Thuile, et à la Maison du lac d'Aiguebelette. Michael Grezes aime cette mise en réseau, cette solidarité qu'il a trouvée en Chartreuse.
Son atelier occupe gratuitement les terres de l'aubergiste, qui lui prête aussi son tracteur. D'autres exploitants agricoles lui mettent du terrain à disposition et la voisine lui fournit l'électricité et l'eau.
"Quand j'ai quitté le monde de l'industrie, je me suis rapproché du mouvement Colibris de Pierre Rabhi et de l'Université du nous. Ça m'a inspiré." Ça l'inspire encore. Michael Grezes s'interroge ; il pourrait bien changer de voie ou du moins mettre l'accent sur la "dimension humaine, l'écoute de l'environnement". Tout cela est encore flou mais devrait s'éclaircir. Il le sait, il est déjà passé par là.