Aujourd'hui, le bilan chiffré de l'apprentissage semble bon, avec un objectif d'un million d'apprentis, annoncé par Emmanuel Macron, qui semble atteignable rapidement. Votre regard sur la situation est-il également positif ?
Si l'on regarde uniquement le nombre d'apprentis en France, c'est positif, c'est certain. La réforme de 2018 et les aides aux entreprises, augmentées au début de la crise Covid, ont permis cette augmentation globale. Mais, dans le détail, le constat est plus contrasté. L'augmentation est surtout dans les niveaux bac+3, bac+5, où on recense plus de la moitié des contrats d'apprentissage. Ce qui n'est pas regrettable en soi. Mais on aurait préféré que les chiffres de l'apprentissage pour les publics bac et infra bac soient meilleurs.
Pourquoi ?
Ce sont ces publics qui, après être sortis du milieu scolaire, peuvent se réinsérer grâce à l'apprentissage. Ce sont des jeunes qui ne se voient pas aller au lycée et qui, à travers l'apprentissage peuvent se former et avoir du concret. Ou des jeunes dans un parcours plus précoce. Bref, des jeunes qui ont un vrai intérêt à se tourner vers l'apprentissage. Et on doit mieux les aider à ça.
"On ne parle jamais de la qualité de vie des apprentis"
Comment expliquez-vous que ça soit surtout l'apprentissage dans l'enseignement supérieur qui profite de cette réforme ?
Difficile à dire. La réforme a surtout libéralisé l'ouverture des centres de formation, alors qu'avant, il fallait l'autorisation du conseil régional. Et ça, ça a surtout profité à beaucoup d'écoles privés dans le supérieur. Elles y voient un très bon moyen de faire rentrer un nouveau public via un financement sûr, qui ne dépend pas de la solvabilité d'un étudiant ou de sa famille. Pour les formations bac et infra bac, la réforme a, elle, surtout permis aux centres de formations d'ouvrir de nouvelles classes plus facilement.
L'Anaf souligne également régulièrement le manque d'accompagnement des apprentis…
C'est vrai. Depuis la réforme, on entend surtout parler des bons chiffres, d'aides aux entreprises, de niveau de prise en charge pour les centres de formation. Mais jamais on ne parle de la qualité de vie des apprentis. Pourtant, c'est un sujet essentiel. Avec l'Anaf, on accompagne des centaines d'apprentis par semaine qui sont dans des situations difficiles, pour se loger, se nourrir… Il est donc temps de se mettre autour de la table pour essayer de comprendre comment vivent les apprentis et les aider en cas de problèmes.
Une étude montre que plus d'un apprenti sur quatre rompt son contrat. C'est inquiétant selon vous ?
Bien sûr, même si ça n'est pas nouveau. Mais la réforme de 2018 n'a rien fait pour faire baisser ce chiffre.
Lyon accueille les Worldskills jusqu'à vendredi. Un rendez-vous qui met à l'honneur l'apprentissage en France. Pour vous, c'est un évènement important ?
Bien sûr. Je suis un champion Worldskills et aujourd'hui bénévole pour l'équipe Auvergne-Rhône-Alpes. Donc pour moi, c'est vraiment la meilleure des vitrines pour découvrir de nouveaux métiers. Mais j'espère que ça sera aussi l'occasion pour la ministre de la Formation de faire des annonces pour annoncer le lancement de groupes de travail sur la qualité de vie des apprentis. On verra.